
En attendant l’invasion (imminente depuis novembre d’après la plupart des médias) de l’Ukraine par la Russie, prenons le temps de prendre un peu de recul sur la situation, en essayant de sortir de l’hystérie anti-russe actuelle.
Retour en arrière. Nous sommes au début de l’année 1990. L’URSS n’a pas encore disparu mais le bloc socialiste s’effrite. Le 9 février 1990, lors d’une réunion, James Baker, secrétaire d’Etat des Etats-Unis assure à Gorbatchev, alors secrétaire général du comité central du Parti communiste de l’Union soviétique (de facto chef d’Etat), que l’OTAN n’avancera pas d’un centimètre vers l’Est, évoquant notamment une potentielle réunification de l’Allemagne. Le lendemain, le 10 février 1990 c’est au tour du chancelier allemand de la République fédérale allemande (RFA), Helmut Kohl de déclarer : « Nous pensons que l’OTAN ne devrait pas élargir sa portée. Nous devons trouver une résolution raisonnable. Je comprends bien les intérêts de l’Union soviétique en matière de sécurité. »
Et pourtant. Dès la réunification l’annexion de l’ex République démocratique allemande (RDA) par la RFA, en novembre 1990, l’alliance militaire nord-américaine avance de fait vers la Russie. Et l’expansion ne s’arrête pas là. Après quelques années de négociations, trois anciennes démocraties populaires, la Pologne, la République Tchèque et la Hongrie intégrent l’organisation le 12 mars 1999. Puis, le 29 mars 2004, la Bulgarie, la Slovénie, la Slovaquie, la Roumanie et les trois pays Baltes (Lettonie, Estonie, Lituanie), pays frontaliers de la Russie, rejoignent, à leur tour, l’OTAN. D’autres pays suivent le mouvement : l’Albanie et la Croatie en 2009, le Monténégro en 2017 et la Macédoine du Nord en 2020.
Ils nous ont menti à plusieurs reprises, ils ont pris des décisions dans notre dos, ils nous ont mis devant le fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord [OTAN] vers l’est, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières
Vladimir Poutine, le 18 mars 2014
Entre temps, dès 2002, l’Ukraine formule déjà le souhait d’entrer, elle aussi, dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. La Géorgie, autre pays frontalier de la Russie, entretient elle des liens très étroits avec l’alliance militaire. Ajoutons aussi les sanctions économiques des Etats-Unis et de l’Union européenne, la présence de milliers de militaires américains en Pologne, en Allemagne, en Roumanie, ou encore en Bulgarie ou encore les révolutions de couleurs, soutenues par l’Occident, en Géorgie (2003), en Ukraine (2004 et 2014), au Kirghizistan ainsi que celle avortée en Biélorussie (2005).
Que se passerait-il dans la situation inverse ?
Ces faits, que beaucoup ignorent, aident à comprendre la réaction de la Russie. Imaginons un instant que, après avoir promis de ne pas approcher des pays proches géographiquement des Etats-Unis, une alliance militaire dirigée par la Russie, intègre dans ses rangs le Guatemala, le Salvador, le Mexique, Cuba et le Canada. Imaginons ensuite qu’elle construise plusieurs bases militaires dans ces pays là, que des milliers de soldats s’y installent et que des dizaines de missiles soient pointés sur les Etats-Unis. Quelle serait la réaction des nord-Américains ? Nul besoin de chercher trop loin. Il suffit d’observer comment ils traitent déjà les pays latino-américains tentant de promouvoir un autre modèle de société (sanctions économiques, embargo, coup d’Etat, financement de diverses organisations, attentats, invasion etc.).
Il conviendrait aussi de rappeler que l’OTAN a été créée au début de la guerre froide. Or, l’URSS ayant disparu depuis maintenant plus de trente ans, il est légitime de se demander pourquoi une telle alliance perdure encore aujourd’hui, se renforce régulièrement, et déclenche des guerres meurtrières partout dans le monde, y compris en Europe (Yougoslavie dans les années 90, Irak, Afghanistan, Somalie).
L’intérêt de la France
Enfin, il est bon de se demander quel intérêt a notre pays de jouer le vassal des Etats-Unis. Que gagnerait la France à participer à une confrontation contre les Russes si ce n’est la mort de nos soldats ? Non. Plutôt que de suivre Washington dans ces folies guerrières, il est temps de sortir de l’OTAN afin que la France redevienne une nation indépendante et de faire nôtre le concept utilisé par Jean Jaurès de « Guerre à la guerre ».