
Depuis mi-avril des bruits courent sur un éventuel remaniement, un changement de Premier ministre ou même une dissolution de l’Assemblée nationale. A gauche, plusieurs élus, à l’image d’Eric Coquerel ou François Ruffin réclament, eux aussi, une dissolution de l’Assemblée.
La crise liée au coronavirus a mis en exergue les décisions du gouvernement toutes plus incohérentes les unes que les autres. Elles ont contribué à ébranler, un peu plus, la confiance entre l’exécutif et le peuple. Une confiance déjà été mise à mal depuis 2017 par la multitude de mouvements sociaux et de secteurs en grève, dont les Gilets Jaunes et la mobilisation contre la réforme des retraites constituent le point culminant.
Les plus complaisants diront sans doute qu’aucun pays n’était véritablement préparé à une telle catastrophe sanitaire. Certes. Toutefois, force est de constater que d’autres pays affichent de meilleurs résultats dans leur lutte contre le virus (Allemagne, Vietnam, Corée du Sud) et d’autres semblaient mieux préparés à faire face à la vague (Cuba, Argentine). Au fur et à mesure que le virus se répandait dans le monde la réaction des autorités française a été parfois incompréhensible. Lorsque Agnès Buzyn affirma, par exemple, que le risque de propagation du virus depuis Wuhan était « nul », ou lorsque Emmanuel Macron incita les Français à sortir le 6 mars, quelques jours avant d’annoncer un confinement strict.
« La vie continue. Il n’y a aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie »
Emmanuel Macron, le 6 mars 2020
Enfin la question des masques peut peut-être illustrer, à elle seule, les incohérences des décisions du pouvoir. Tout en clamant qu’il n’y avait pas de pénurie, les ministres se sont appliqués à répéter partout que porter un masque n’était pas utile, sauf si l’on était malade. A l’image de Sibeth Ndiaye qui affirmait en mars « ne pas savoir porter un masque ». Le discours a ensuite évolué au fil des semaines. Désormais, les masques sont utiles. Mais toujours pas obligatoires. Sauf dans les transports en commun où un usager n’en portant pas pourra être sanctionné d’une amende de 135 euros.
Aujourd’hui encore, malgré le plan de déconfinement proposé par le gouvernement, d’une manière démocratique , de nombreuses questions restent en suspens. Alors que l’Organisation mondiale de la santé a pour mot d’ordre « Testez, testez, testez », le gouvernement semble, pour l’instant, vouloir limiter les tests aux personnes en première ligne et en contact avec des malades, ou à celles présentant des symptômes alors même que la particularité de ce virus est qu’il est souvent asymptomatique. Longtemps évoqué, le nombre de 500 000 voire de 700 000 tests par semaines à compter du 11 mai semble être, lui aussi, tombé dans l’oubli.
La réouverture « progressive » des crèches, écoles, collèges, et lycées pose également question. Depuis, le gouvernement a déclaré retarder l’ouverture des lycées et des collèges. On a du mal à comprendre, si ce n’est pour permettre aux parents de reprendre leur travail, pourquoi les plus petits devraient retourner à l’école, alors qu’il sera bien plus difficile de leur faire respecter les gestes barrières. Certains diront alors que c’est pour ne pas pénaliser les élèves en difficulté. Certes. Néanmoins, comme a priori cette reprise se fera sur la base du volontariat, et compte tenu du fait que les classes devront être séparées en plusieurs groupes et que les vacances d’été ne sont pas très éloignées, le nombre de jour où un enfant sera présent à l’école sera-t-il suffisant pour rattraper un éventuel retard ? Enfin, il faut rappeler que le Conseil scientifique, auprès duquel Emmanuel Macron aimait se justifier de ses actions, s’est déclaré opposé à une réouverture de ces établissements.
Une dissolution ?
Dans ces conditions, il est facile de comprendre pourquoi les rumeurs d’un remaniement, d’un changement de Premier ministre voire d’une dissolution circulent. Que se passerait-il si jamais Emmanuel Macron prenait une telle décision ? Il va de soi qu’il faudrait d’abord que le virus soit maîtrisé en France. Si c’était le cas, les Français seraient conviés à élire une nouvelle Assemblée nationale.
Avant la réforme constitutionnelle du mois de septembre 2000 qui a fait passer le mandat présidentiel de 7 à 5 ans, un président pouvait se retrouver sans majorité parlementaire. François Mitterrand en avait d’ailleurs fait les frais en mars 1986 lors des élections législatives. Une cohabitation débuta alors pour les deux dernières années du mandat du premier président socialiste de la Cinquième République.
Aujourd’hui une telle situation n’est plus possible. Et l’Assemblée nationale, bien qu’élue au suffrage universel, ne permet pas une bonne tenue du débat démocratique. Pourquoi ? Parce que sans proportionnelle les élections législatives donnent, quasi-automatiquement, une large majorité au candidat élu. Puisque les élections, présidentielles et législatives, ne sont séparées que de quelques semaines, il est difficile d’imaginer un autre cas de figure.
Avec la majorité absolue dont dispose Emmanuel Macron, l’Assemblée nationale est devenue une simple chambre d’enregistrement des projets gouvernementaux où les députés soutenant l’action de l’exécutif votent en cadence tels des playmobils.
Dissoudre l’Assemblée nationale ne serait pas judicieux, stratégiquement parlant, pour Emmanuel Macron. Mais cette décision contribuerait à donner un nouveau souffle démocratique au pays à l’heure où il en a grandement besoin.