
Le scrutin des élections européennes s’approche à grand pas. Pourtant les Français tardent à se mobiliser. Près de six électeurs sur dix pourraient ne pas aller voter selon divers sondages. Parmi eux : les jeunes et les classes populaires. Autrement dit ceux qui ont tout à perdre en ne se prononçant pas.
Nombre de personnes expriment,en ne se rendant pas aux urnes depuis des années, leur désaccord avec les politiques menées. Or notre système électoral est conçu de telle façon que même si 99,99% de la population s’abstenaient, les 0,01% restant décideraient de l’avenir du pays. Il en va de même pour les votes nuls et les votes blancs. qui, dans le système actuel, ne servent à rien. Donc d’un point de vue stratégique s’abstenir n’a aucune valeur et aucune utilité.
Mais surtout, ces élections européennes peuvent être un véritable référendum anti-Macron. Ce sera en effet la première élection depuis son arrivée au pouvoir et donc l’occasion d’exprimer un profond désaccord avec sa politique, d’autant plus que la campagne de LREM pâtit de sa tête de liste (voir : Nathalie Loiseau : une campagne qui bat de l’aile). Or, si le vote était obligatoire, ceux qui s’abstiennent n’iraient sans doute pas voter LREM. Donc ne pas voter c’est prendre le risque de laisser des voix au camp du président, mais aussi laisser le Rassemblement national lui disputer sa politique.
C’est précisément ce qu’il faut éviter. Depuis quelques semaines les médias nous poussent à imaginer un duel opposant seulement les populistes aux progressistes, comprenez l’extrême-droite aux libéraux (voir : Européennes : la fausse opposition libéraux/nationalistes) alors même que les deux s’auto-alimentent. Ce ne sont que les deux faces d’une même pièce et pourtant tout est fait pour nous réduire à ce choix entre la peste brune et le choléra libéral.
Mais que ce soit un camp ou l’autre, leurs partisans iront voter. Les banquiers, les actionnaires, les grands patrons, ou ceux tenant un discours de haine et de rejet de l’autre, ainsi que tous ceux souhaitant détruire nos acquis sociaux iront voter. L’abstention n’est pas la solution car en réalité elle légitime ces politiques en leur donnant une justification par les urnes.
- Voter pour inverser l’ordre du Parlement européen
Certes l’UE n’est pas l’instance démocratique qu’on nous présente, loin de là. Certes les pouvoirs du Parlement européen sont limités. Mais il reste néanmoins un organe législatif important.
Les partis de droite, regroupés au sein du Parti populaire européen (PPE) et les sociaux-démocrates, regroupés dans l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D), s’entendent depuis des années. Votant les lois ensemble, et s’arrangeant pour l’élection du président du Parlement ainsi que pour la commission européenne. Ces deux groupes parlementaires représentent 401 députés. A ces libéraux, les sociaux-démocrates européens n’osant plus, dans leur grande majorité, remettre en cause cette doctrine, s’ajoute l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE) et ses 69 sièges. Les tenants, officiels, d’un discours libéral sont donc ultra-majoritaires au sein du Parlement.
Et ils ne sont pas seuls. Le groupe des Verts (52 sièges) est pour sa grande majorité acquis à la cause libérale, pourtant incompatible avec l’idéal environnemental qu’ils prônent. Quant aux trois groupes classés à droite du Parlement européen, Conservateurs et réformistes européens (77 sièges), Europe de la liberté et de la démocratie directe (42 sièges), Europe des nations et des libertés (36 sièges), oscillant entre droite-extrême et extrême-droite ils sont eux aussi des partisans farouches du libéralisme, malgré leur discours qui tend à faire penser le contraire. Que ce soit en Italie, en Autriche, ou en Hongrie, les alliés du Rassemblement national mènent des politiques similaires à celle de Macron en France. Autrement dit opposer libéraux et extrême-droite n’a aucune valeur puisque in fine leurs politiques économiques sont relativement semblables.
Enfin, en enlevant les 20 députés non-inscrits, il ne reste que le groupe où siégeait les députés apparentés Front de gauche : celui de la Gauche unitaire européenne/ Gauche verte nordique (GUE/NGL) qui compte 52 députés. C’est ce groupe que les abstentionnistes vont ,de fait, sanctionner en n’allant pas voter, alors que c’est celui qui constitue la meilleure opposition à cette Europe antidémocratique.
Les différents scores le 26 mai prochain pourraient faire en sorte qu’un autre groupe similaire émerge autour de la coalition Maintenant le peuple. Cette dernière rassemble divers partis, aujourd’hui siégeant au sein de la GUE/NGL, mais qui pourraient créer leur propres groupes s’ils obtenaient assez de parlementaires (1).
Qu’importe que les députés antilibéraux soient dans un même groupe uni ou dans deux groupes distincts, du moment qu’ils travaillent ensemble. D’un point de vue stratégique avoir deux groupes seraient d’ailleurs peut-être plus intéressant afin de bénéficier d’un meilleur temps de parole. Le problème n’est pas là. Si les Européens, à commencer par les Français ne se mobilisent pas le 26 mai prochain, cela ouvrira la porte à une nouvelle législature contre l’intérêt général et à des directives toutes plus ultralibérales les unes que les autres.
(1) : les membres de la coalition Maintenant le peuple : Alliance rouge et verte (Danemark), Podemos (Espagne), Alliance de gauche (Finlande), France insoumise et Gauche républicaine et socialiste (France), Bloc de Gauche (Portugal) et Parti de gauche (Suède).