
Tous les français, au-delà de leurs croyances, de leurs convictions religieuses et politiques, de leurs origines ou de leurs milieux sociaux, ont été choqués par l’incendie qui a ravagé, lundi dernier, Notre-Dame de Paris. A tel point que les dons ont afflué, et continuent d’affluer pour aider à réparer ce symbole nationale. Du moins envisager de telles réparations. Car, tant qu’une expertise complète et précise ne sera pas réalisée, aucune reconstruction ne pourra être entreprise.
Cependant, il y a bien une chose dont on sera à peu près certains : les fonds pour financer ces travaux ne devraient pas manquer. La souscription nationale est un réel succès et la mobilisation dépasse d’ailleurs largement le cadre de la France seule, démontrant au passage que Notre-Dame de Paris est un patrimoine de l’humanité, d’ailleurs classé à l’UNESCO.
Si la mobilisation est l’oeuvre des régions, des départements, des communes, et des citoyens, elle est aussi celle de quelques riches familles. 100 millions d’euros pour l’une, 200 millions pour d’autres. Les familles Arnault, Pinault et Bettencourt, pour ne citer qu’elles, y sont aller de leur élan de solidarité. Un geste appréciable qu’il convient de souligner.
Mais ces dons, bien que très généreux, posent presque automatiquement une autre question. Certes, certains riches donateurs ont fait le choix de donner simplement l’argent sans bénéficier d’une déduction d’impôt. Mais, pourquoi a-t-il fallu qu’un édifice brûle pour qu’enfin les plus fortunés de ce pays fassent un geste de solidarité et contribuent à l’effort national ?
Car, à la vérité, bien que leur peine soit sans doute sincère, comme celle d’une majorité de Français, ces dons leurs permettent aussi de redorer leur blason alors qu’ils sont particulièrement critiqués, à juste titre. Comment ne pas critiquer ceux qui, en tant de prétendue crise économique, continuent de s’enrichir sur le dos des plus démunis ?
Ceux là même qui refusent de payer des impôts à un pays qui leur fournit pourtant tant d’avantages et dont les infrastructures et les services (éducation, santé, justice etc) leur bénéficient autant, si ce n’est plus, qu’aux autres citoyens. Ceux là même qui ne cessent de nous répéter en boucle, semaine après semaine, qu’ils sont trop taxés et qu’ils n’ont plus d’argent alors qu’ils obtiennent toujours plus d’avantages (la suppression de l’ISF en étant le dernier exemple) et qu’ils n’ont, précisément jamais été aussi riches.
Cette opulence est un des problèmes majeurs de notre pays. Parce que personne, parmi ceux qui ont le pouvoir, ne semble ni pouvoir, ni vouloir, remettre en cause cette injustice de ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien.
- De l’argent, il y en a…
Ces dons pour la reconstruction de la cathédrale peuvent être à double tranchant. Certes beaucoup de personnes y verront un acte de bienveillance. Mais cela met fin aussi à la thèse qui voudrait que les ultras-riches ne disposent pas des moyens suffisants pour contribuer à la solidarité dans d’autres domaines.
Voilà donc la preuve, pour ceux qui en doutaient encore, que l’argent existe en France et qu’il se trouve dans les mains d’une minorité. Et, si cet argent peut être investi pour la réparation d’un édifice précis, ne devrait-il pas l’être aussi dans tout notre patrimoine qui souffre, justement, du manque de ressources financières pour être rénover ? Ne devrait-il pas aussi l’être dans les secteurs où le manque d’argent est flagrant, notamment dans ceux de l’éducation et de la santé ?
Est-il normal que des dizaines de milliers de personnes soient contraints de vivre dans la rue alors que notre pays dispose de près de 3 millions de logements vides ? Sans parler des millions mal-logés, des près de 9 millions de pauvres, et des suicides de plus en plus fréquents de ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts chaque mois.
La France semble avoir oublié sa devise pourtant inscrire sur toutes les devantures des bâtiments officiels. Celle qui proclame fièrement Liberté-Egalité-Fraternité et dont nous nous sommes pourtant tant éloignés.